J'ai eu la chance de danser de nombreux French Cancan au cours de ma carrière de danseuse. C'est lorsque je suis rentrée au Moulin Rouge à 20 ans que j'ai fait mes premiers pas de French Cancan. On ne pouvait pas meilleure école pour apprendre cette danse joyeuse et revolutionnaire!
Durant mes 20 ans de carrière, je me suis forcement intéressée à cette danse mais de façon assez superficielle je dois dire . Ce n'est que recemment, lorsqu'avec mes élèves nous avons participé à l'émission "Le Grand Concours des Régions: Quelle sera la meilleure danse folklorique de France?" qui sera diffusée en Mars 2025 sur France 3, que je me suis profondément immergée dans l'histoire du French Cancan.
Pour parfaire mes connaissances, j'ai contacté Thierry Outrilla, Directeur Artistique du Moulin Rouge qui m'a transmis sa passion et qui par son puit de connaisances à ce sujet m'a littéralement transporté au 19ème.
Le tout début du French Cancan... le chahut
Le French Cancan est né au 19ème siècle dans les bals populaires Parisiens. C’est vraiment LA danse de l’émancipation des femmes!
Vers 1824, lors du quadrille, une danse de couple très codifiée et très guindée de l’époque, survient l’envie d’un homme de faire "cavalier seul"! Il prenait sa minute de liberté pour exécuter tous les mouvements qu’il voulait sans aucun code! Celle-ci a attiré les foules et a amorcé une révolution sociale. C'est ce qu'on appelle "le chahut".
Malheureusement cet espace de liberté n’était réservé qu’aux hommes.
Les femmes se rebellent!
Jusqu’au jour où, en 1829, de courageuses Parisiennes décident de se lancer et de danser seules elles aussi! Pour se rendre dans ces bals, les femmes devaient obligatoirement être accompagnées d'un cavalier. Danser seule était strictement interdit! Mais alors imaginez, non seulement danser seule, mais qui plus est, de façon improvisée, de façon libre, de courir, de crier, de lever les bras, les jambes! C'était absolument indécent. La femme se devait de respecter scrupuleusement des codes de bien-séances de la société bourgeoise.
Cette soif de liberté a rapidement été stoppée par les autorités. Des femmes ont été emprisonnées, placées à la Salpétrière et le cancan est devenu la danse interdite.
Seulement, rien n’arrête un élan de liberté. L’engouement du peuple mais aussi celui de la haute société divertie par cette danse, a progressivement fait céder les autorités.
Au fil du temps, les femmes s’exprimaient de plus en plus à travers le Cancan en levant leurs jupons en montrant leurs jambes, et en étant de plus en plus indécentes…C'était pour elles un moyen de contester l'ordre établie, une façon s'insurger de la bourgeoisie.
Une danse qui se professionnalise, des femmes qui arrachent leur indépendance...
Vers 1857 le cancan s’est codifié avec des figures aux symboliques fortes prônant des revendications contre le clergé, l'armée ou encore les multiples interdictions dictées aux femmes.
La danseuse Rigolboche a inventé les grands battements qui consistent à lever la jambe en l'air le plus haut possible et le plus rapidement possible et de la redescendre tout aussi vivement.
C’est à partir de 1860 que les lavandières de Montmartre se professionnalisent et accèdent à l’indépendance! Elles gagnaient même plus que les danseurs hommes! Les vedettes du French Cancan telles que La Goulue, Nini Pattes en l'air ou encore Grille d'égout ont trouvé leurs noms insolites dans ce qui les caractérisaient.
Des figures contestataires
La cathédrale: Cette figure était destinée a provoquer le clergé. L'objestif est de construire un édifice sacré avec le corps des femmes et qui plus est, des femmes qui se soutiennent entre elles.
Le tire bouchon: Au 19 ème siècle, les femmes n'avaient aucun droit, ni même celui d'ouvrir une bouteille de vin. Elles se sont donc octoyées ce droit en créant cette figure.
La mayonnaise: Figure symbolisant le "vivre ensemble". Pour que la mayonnaise prenne, il faut mélanger les classes sociales, les religions, les genres, les ethnies...
Le grand écart: Le grand écart dénonce l'hypocrisie qui condamne les écarts de consuite.
Le saut écart: Le saut écart se fait de façon vive avec une remontée toute aussi vive. C'est un moyen de dire: "vous voulez me mettre à terre? eh bien non, vous n'y arriverez pas".
Le pas de charge: Ce mouvement reproduit le geste quotidien des lavandières lorsqu'elles lavaient le linge dans les bacs. Elles ont transformé ce geste en y associant des pas chassés sur le coté afin de faire savoir à l'armée qu'elles sont tout autant capables que les hommes de défendre leur patrie.
D'où vient ce nom?
En 1864 Charles Morton le créateur du Music-hall moderne exporte cette danse au Royaume-uni et l’a rebaptisé « French Cancan ».
Le French Cancan, bien moins léger que ce qu'il n'y parait
Au delà d’une danse, le French Cancan est un mouvement social qui a révolutionné la condition de la femme en France. Des femmes courageuses du 19ème siècles, se sont rebellées, se sont mises en danger au nom de leur liberté.
C'est une danse certes d'une autre époque mais qui lorsqu'on la pratique, nous fait ressentir tout cet héritage, cette force, cette determination qu'ont eu les femmes du 19ème siècle. C'est un vrai exutoire, une danse pleine de sens!
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